ARN ribosomique : transformer un problème en outil

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Pour une collaboration, cinq membres du Pasteur Network – l’Institut Pasteur du Cambodge, l’Institut Pasteur de Bangui, l’Institut Pasteur de Madagascar, l’Institut Pasteur de la Guyane et l’Institut Pasteur de Paris – ont publié les résultats d’une étude sur l’ARN ribosomique des moustiques. En plus de diffuser 234 séquences complètes d’ARN ribosomique issues de 33 espèces de moustiques dans des bases de données publiques, l’étude présente la méthodologie bio-informatique utilisée pour assembler ces séquences. Publiée dans eLife, cette étude aborde également l’utilisation de l’ARN ribosomique comme marqueur moléculaire pour des fins taxonomique ou phylogénique. Elle vise à faciliter la découverte et la surveillance des virus chez toutes les espèces de moustiques.

Surveiller la circulation des virus grâce au séquençage de l’ARN (ARN-seq)

Les moustiques sont connus pour transmettre de nombreux virus pathogènes pour les humains et les animaux. La plupart de ces virus utilisent l’ARN, ou acide ribonucléique, comme structure porteuse d’information génétique. L’analyse par séquençage de tout l’ARN trouvé dans un échantillon donné, aussi appelée métagénomique ARN-seq, est couramment utilisée pour identifier les pathogènes viraux qui circulent dans certaines populations de moustiques. Cette détection de leur génome d’ARN permet également de découvrir et de suivre la circulation des agents pathogènes viraux connus ou émergents potentiels.

Néanmoins, le moustique lui-même possède beaucoup d’ARN. En particulier, les ARN qui composent les machines productrices de protéines appelées ribosomes. Ce type d’ARN est dénommé ARN ribosomique.  La présence en grande quantité de ce type d’ARN constitue un « bruit de fond » qui peut réduire la sensibilité de la détection des pathogènes, en masquant les séquences d’intérêt. Ce « bruit de fond » doit donc être retiré de l’échantillon. Pour éliminer avec succès l’ARN ribosomique, il est nécessaire de connaître sa séquence de référence.

L'utilisation du séquençage de l'ARN pour détecter les virus par leur génomes ARN se fait en plusieurs étapes. La connaissance des séquences d'ARN ribosomique permet de réaliser les étapes 3 et 5 pour une meilleure détection des pathogènes viraux dans les échantillons de moustiques.
L’utilisation du séquençage de l’ARN pour détecter les virus par leur génomes ARN se fait en plusieurs étapes. La connaissance des séquences d’ARN ribosomique permet de réaliser les étapes 3 et 5 pour une meilleure détection des pathogènes viraux dans les échantillons de moustiques. Cette illustration a été créée avec Biorender.com. © Cassandra Koh

Cependant, l’absence de séquences d’ARN ribosomiques de référence pour une grande majorité d’espèces de moustiques rend difficile la réalisation d’ARN-seq chez ces dernières. Seules quelques espèces vectrices ont été répertoriées dans des bases de données publiques, une collection de toutes les séquences génétiques connues de tous les êtres vivants. Ainsi, ce manque de séquences entraine une méconnaissance des cycles de transmission perpétués par d’autres espèces de moustiques endémiques d’environnements plus éloignés, et responsables de l’infection d’animaux dits « réservoirs ». Pour permettre la découverte et la surveillance de virus dans un plus large éventail d’espèces de moustiques, l’équipe a élargi la collection actuelle de séquences d’ARN ribosomiques de référence.

Mutualiser l’expertise des membres du Pasteur Network

En mutualisant leurs expertises et leurs ressources, les scientifiques de l’Institut Pasteur du Cambodge, de l’Institut Pasteur de Bangui, de l’Institut Pasteur de Madagascar, de l’Institut Pasteur de la Guyane et de l’Institut Pasteur, tous membres du Pasteur Network, ont publié un grand assemblage de séquences d’ARN ribosomiques dans des bases de données publiques. Avec une méthode bio-informatique unique, décrite dans l’étude, l’équipe a réussi à assembler les séquences d’ARN ribosomiques complètes pour tous leurs spécimens, même en présence de matériel biologique contaminant. Cette ressource génomique constitue un ensemble de 234 séquences complètes d’ARN ribosomique de 33 espèces de moustiques.

L’apport d’une telle ressource génomique

Ces nouvelles séquences permettront d’éliminer physiquement et informatiquement les lectures de séquences d’ARN ribosomiques interférentes, le « bruit de fond » précédemment évoqué. Elles maximisent la sensibilité de la détection de l’ARN génomique viral cible. En outre, les ARN ribosomiques peuvent être utilisés pour l’identification moléculaire des espèces de moustiques étudiées. La précision d’identification moléculaire des espèces à l’aide de séquences d’ARN ribosomiques est comparable à celle du gène mitochondrial de la cytochrome c oxydase, l’étalon-or et la référence actuelle de la taxonomie moléculaire.

Les résultats de cette collaboration faciliteront la découverte et la surveillance des agents pathogènes connus et potentiels chez un grand nombre d’espèces d’insectes par la métagénomique RNA-seq.


Pour aller plus loin :
Ribosomal RNA (rRNA) sequences from 33 globally distributed mosquito species for improved metagenomics and species identification
eLife, janvier 2023.
Cassandra Koh, Lionel Frangeul, Hervé Blanc, Carine Ngoagouni,Sébastien Boyer, Philippe Dussart, Nina Grau, Romain Girod, Jean-Bernard Duchemin and Maria-Carla Saleh.
DOI: 10.7554/eLife.82762 / https://elifesciences.org/articles/82762

Pour citer cette actualité:

ARN ribosomique : transformer un problème en outil

Pasteur Network